Passer du blanc au vert, une logique estivale dans les Alpes comme dans les Pyrénées. Sous le soleil, la neige fond tandis que le mercure remonte, on range les skis au profit d’autres sports de plein air, à commencer par le golf. Du Jura aux Pyrénées catalanes, neuf clubs Golfy accueillent les golfeurs en station. Cet été, il est temps d’en profiter…
Par Claude Granveaud-Vallat
Personne n’a oublié le planté de bâton de Jean-Claude Dusse dans Les Bronzés font du ski ! De juin à septembre, parfois le moniteur de ski devient prof de golf, enseignant les bases du swing aux débutants et le perfectionnement aux joueurs confirmés. Les bâtons changent et la balle vient compliquer l’affaire… Les pistes deviennent des fairways plus ou moins pentus, les dévers inhérents au relief demandent un peu de réflexion sur des approches de greens souvent petits.
Le golf de montagne est très ludique, on ne cherche pas forcément la performance mais plutôt le côté convivial, le plaisir de jouer en famille, entre amis. Chacun y trouve son compte, tout en s’oxygénant à pleins poumons.
Au cœur du Haut-Jura, la réputation des Rousses dépasse largement le cadre des fruitières, ces caves d’affinage où les meules de Comté mûrissent patiemment, à température égale à l’année.
Cette station située entre 1000 et 1600 mètres d’altitude, vit du blanc l’hiver avant de profiter des loisirs estivaux, randonnées, vtt, pêche, baignade et canoë sur ses lacs. Et bien sûr le golf ! Pas moins de deux 18 trous sur ce domaine dont le Golf du Mont-Saint-Jean, 18 fairways posés sur le plateau montagnard, entrecoupés de petits ruisseaux, bordés de bois de bouleaux et de sapins, typiques de la région. Depuis 1990, sur un relief assez physique, le tracé de Hugues Lambert a pris une belle patine. Créatrice de ce golf, la famille Tinguely a passé la main l’an dernier à trois hommes plein d’avenir et d’ambitions pour le club. Mathieu, Romain et Thibault n’ont pas hésité à investir sur le parcours comme dans la réfection de l’hébergement – 10 chambres dans dans une ancienne ferme Jurassienne, désormais ouvertes été comme hiver. Ils ont rénové la terrasse du club-house qui domine 17 trous du parcours tandis que la carte du restaurant est une belle vitrine du terroir jurassien.
Face au Mont-Blanc, la station des Arcs offre un domaine skiable exceptionnel au cœur de la Haute Tarentaise, plus de 400 kms de pistes pour tous les niveaux jusqu’à la descente de l’Aiguille Rouge pour les plus aguerris.
L’été, lorsque les sommets demeurent blancs sur l’ubac, la station se met au vert. Là encore, randonnées, trails, parapentes, vtt entre Les Arcs et Peisey-Vallandry – un domaine inépuisable de chemins… – sont au programme. Tout comme le Golf des Arcs né en 1974 de l’inspiration de Christian Dunoyer de Segonzac – cousin d’André, l’artiste peintre – tandis que Les Arcs 1800 sortait de terre offrant son essor à la station. En 1988, le parcours était revu par Robert Berthet, quelques aménagements dans un dessin lié au relief. Entre les pylônes des remontées mécaniques, quelques chemins de randonnée et les gués du ruisseau du Villard coupant les fairways, le dessin du Chantel – le grand parcours – ne cesse de descendre, monter, tourner dans la pente vers de petits greens pas simples à pitcher. Cachées dans les herbes hautes, les marmottes en rigolent d’avance… En 2015, le club-chalet a été rafraîchi, offrant une salle de restaurant plus grande mais la terrasse demeure la priorité de tous ceux qui se posent à l’heure du repas face au toit de l’Europe.
Vers le col de la Joux Verte, le Golf d’Avoriaz-Morzine sert de trait d’union estival entre Avoriaz et Morzine, deux stations savoyardes où l’on dévale plus souvent les pentes enneigées qu’on y drive les fairways.
De juin à septembre, à 1600 mètres d’altitude, sur le plateau de Proclou bordé de forêts de sapins et d’alpages où paissent de beaux troupeaux, on passe au vert ! Une fois le terrain asséché par le soleil et le vent, il est temps de replanter les drapeaux de ce tracé de montagne. Un parcours de 9 trous inauguré en 1992, sur un dessin de Hugues Lambert, face à la chaîne des Aravis. Les roughs fleuris délimitent le jeu tandis que les abeilles butinent à toute hâte, comme si la saison verte était trop courte à leur inlassable besogne. Les trous sont assez longs, les fairways larges, les greens plutôt durs, quelques bunkers ajoutent leurs taches de sable à ce cadre enivrant de chlorophylle. Perfides, les petits rus d’eau fraîche qui longent les fairways et les coupent devant les greens, sont les principaux pièges de ce tracé. Après quoi il est temps de se réjouir devant un plateau de fromages et de charcuterie, une salade généreuse, une tarte aux myrtilles et sa double crème, en terrasse de la table d’altitude parfaite pour profiter calmement de ce décor grandiose !
Au cœur des Trois Vallées, le plus grand domaine skiable au monde, on ne présente plus Courchevel, la station où les étoiles des hôtels et celles des chefs éclairent les pistes, surtout la nuit… Mais l’été, lorsque l’effervescence hivernale s’est calmée, lorsque les pentes du Burgin redeviennent vertes, le Golf de Courchevel prend des couleurs.
A plus de 2000 mètres d’altitude, avec 9 pars 3 compris entre 137 et 194 mètres du fond, ce dessin inauguré en 1989 par Robert Berthet, fait le plein. Au-delà de sa verdure bordée de sapins, ce parcours est un champ de fleurs. Entre les clématites, les boutons d’or, les bleuets, les gentianes, les chardons Marie, les myosotis, les pavots et les massifs de thym serpolet, la palette de couleurs éblouit les jardiniers à l’heure où les marmottes côtoient les joueurs sans trop s’en affoler. Un projet d’agrandissement est dans les tuyaux. Pouvoir jouer des pars 4 et des pars 5 serait un atout supplémentaire pour le parcours mais depuis la pandémie, la municipalité a révisé sa copie et revu ses budgets. Il va falloir attendre…
Entre une vue sur la pointe Percée, le lac Léman, la pointe de Nyon et le Mont Blanc, les points de vue époustouflants sont nombreux aux Gets. Les skieurs qui plébiscitent cette station haut-savoyarde ne s’y trompent pas dans l’immensité des Portes du Soleil.
L’été, le décor demeure, il change juste de couleur. Depuis 1995, le Golf Les Gets a intégré ce cadre exceptionnel. Au cœur de la vallée, sur un tracé tout en longueur, Donald Harradine et Olivier Dongradi ont créé un parcours au cœur des sites environnants. Pour preuve, chaque trou porte un nom référant comme le Mont-Caly, les Rochers du Graydon, le Léman, la Pointe de Chalune, le Roc d’Enfer… Et bien sûr, le Mont-Blanc, le trou 7, un par 5 en descente et en dogleg droit où le toit de l’Europe sert de mire vers un green caché des départs par la densité sapinière. La signature des Gets ! Même si les pylônes métalliques des télésièges nous rappellent à la raison première de cette station des Alpes, dans le silence estival, on oublie vite ces infrastructures au profit d’une nature généreuse. Entre les montées, les plongées, les doglegs, les dévers, les petits greens et leurs bunkers, il y a matière à s’amuser même si le tracé dépasse à peine les 5000 mètres du fond. En cuisine, Émeline et son équipe donnent la priorité aux circuits courts, avec de belles assiettes gourmandes. De quoi se refaire une santé, une fois assis en terrasse, face à ce cadre hors du commun, un don du Ciel…
Le Grand-Bornand, sur la route des Aravis, a su conserver son âme de village haut-savoyard même si le ski a réduit le domaine agricole depuis un demi siècle. En 1987, ses beaux-parents ayant cessé l’activité d’élevage bovin, Marc Périllat – un nom bien connu dans la région – eut l’idée de transformer leurs terres en parcours de golf.
Le Golf du Grand-Bornand allait ainsi voir le jour dans la vallée du Bouchet. D’abord un practice, puis un trou, puis trois jusqu’à ouvrir 9 trous au milieu des années 90. D’abord rustique, le parcours s’est amélioré au fil du temps, profitant toujours des points de vue sur la Pointe Percée, le point culminant de la chaîne des Aravis. Assez plat pour un golf de montagne, le tracé propose des pars 3 et des doglegs où il est préférable de rester modeste face aux roughs et à quelques conifères pouvant contrarier les plus velléitaires. La seule pièce d’eau est en jeu sur le par 3 du 7, environ 140 mètres à survoler vers un green à double plateau, un petit challenge tout de même… Cerné par les sommets encore enneigés en été, la terrasse du club-chalet est la bienvenue pour refaire la partie, tout en dégustant des plats simples mais efficaces à l’heure où l’estomac réclame. Des salades, des viandes, du fromage, des pâtisseries à des prix très raisonnables, pas de raison de s’en priver !
Au cœur de la Vanoise, en arrivant à Tignes, on en prend plein les yeux face au glacier de la Grande-Motte, l’emblème de la station où l’on skie même en été.
En contrebas de ce sommet culminant à 3656 mètres et éternellement blanc, au val Claret, le Golf du Lac de Tignes, un des plus anciens parcours savoyards, revendique le record d’altitude en l’Europe pour 18 trous. Ici on joue à 2100 mètres et on s’en rend compte, la balle est portée par l’air des montagnes. Il faut en tenir compte dans son approche des coups, surtout ceux joués en descente, au risque de quitter la piste vers le lac – le tracé imaginé en 1968 par Philippe Valant puis porté à 18 trous en 1991 par Robert Berthet flirte avec la pièce d’eau à plusieurs reprises – ou vers les repaires des marmottes, spectatrices privilégiées des exploits golfiques, l’œil aux aguets à la porte des terriers. Entre les grimpettes, les descentes, beaucoup de coups en dévers, les roughs fleuris, les rus et les petits greens, heureusement que le parcours ne dépasse guère les 5000 mètres. Il faut rester vigilant sur chaque coup, surtout sur les approches du 13 et du 14 vers des greens au plus près de l’eau. Sur la fin du parcours, l’urbanisation de montagne mêlant de jolis chalets à des immeubles à l’esthétique relative nous rappelle qu’ici en hiver la densité humaine n’a rien à voir avec le calme estival, période propice pour apprécier ce décor minéral. Le restaurant du club-house est ouvert midi et soir, de quoi profiter doublement des charmes de la carte dans ce cadre dont on ne se lasse pas.
Au revoir les Alpes, bonjour les Pyrénées, bienvenue à Font-Romeu– la source du pèlerin en catalan. Dans cette station des Pyrénées-Orientales qui, été comme hiver, accueille l’élite du sport français depuis 1967 lors de stages d’oxygénation en altitude, dans cette station qui a vu Martin Fourcade faire ses premiers pas sur des skis avant de devenir une légende du biathlon, le golf n’a pas attendu l’engouement actuel pour voir le jour. Dès 1928, un premier tracé né de père inconnu prenait forme sur les pentes pyrénéennes, face au pic Carlit (2921 m.).
Le Golf de Font-Romeu, premier golf de montagne en France, est né de la volonté de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, l’affiche d’époque signée Leonetto Cappiello – une femme en swing, écharpe au vent, sur fond de sommet – vantant les atours du parcours, en témoigne. En 1985, Jean Garaïalde reprenait le dessin, le rendant plus clair, plus lisible, plus agréable pour tous les joueurs qui le découvrent dès la fonte des neiges de printemps. Les points de vue sur la vallée sont magnifiques, au-delà de l’intérêt du jeu, ils séduisent toujours les visiteurs face aux Pyrénées Catalanes. Les 9 trous sont facilement jouables à pied, la plongée du 9 ramenant vers le chalet. Les fairways se faufilent entre les pins, créant l’esthétique du tracé tandis qu’un chevreuil, aussi peureux que curieux, regarde passer les joueurs. Les greens sont de bonne qualité pour un terrain souvent enneigé en hiver. La guinguette du Birdie propose des plats simples, efficaces face à cette nature préservée qui demande un peu d’énergie pour la maîtriser.
Plus haut parcours d’Europe, entre la France et l’Espagne, le Golf Soldeu – prononcez soldéou – attend la fonte des neiges andorranes pour dévoiler ses 9 trous. Jouable de juillet à septembre, Golf Soldeu se mérite, on y accède en télécabine dans le cadre magique des Pyrénées.
En 2008, sur le domaine de Grandvalira, l’architecte Jeremy Pern a imaginé ce parcours de golf. A 2250 mètres d’altitude, l’air porte la balle, les mises en jeu sont flatteuses au risque de quitter la piste… Tout sauf plat, le relief de ce tracé fait partie du jeu, tant en descente comme sur le 1 et le 2 qu’en montée comme au 3 puis au 4. Les greens sont petits, ils demandent un peu de toucher dans les approches. Les deux pièces d’eau ne sont pas très dangereuses mais elles en ont déjà stressé plus d’un. La terrasse du « casa club » est spacieuse, agréable, face à l’immensité sauvage des Pyrénées, là où les marmottes se chauffent le poil au soleil, où les cloches des vaches paissant à l’estive résonnent entre les vallées. Entre les charcuteries, les fromages et quelques plats tenant au corps, on n’a plus envie de quitter ce petit paradis même si l’appel de la dernière cabine oblige à redescendre…
Du Jura aux Alpes comme dans les Pyrénées, il y a matière à prendre de l’altitude pour swinguer au frais cet été. Dans des décors à couper le souffle, obligeant à quelques souvenirs en selfie, au cœur d’une nature généreuse et sauvage, loin des tracés stéréotypés… découvrez le golf vu d’en haut !