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Charente, en remontant le fleuve…

10 octobre 2023 116

A l’exception de Royan, un peu plus au sud sur la façade Atlantique, les golfs de Saintes, du Cognac et d’Angoulême déploient leurs fairways au plus près de la Charente. De bonnes raisons pour remonter le cours du fleuve, d’entrer en terre, de tutoyer les anges enivrés, tout en jouant de très jolis parcours loin d’être plats. Très loin, même…

Créer le Golf de Royan le long de la Côte de Beauté, un challenge relevé par Robert Berthet en 1977. Entre les pins maritimes et les chênes verts, sur un sol dunaire, il a su ourler ses fairways jusqu’à découvrir le phare de Cordouan au départ du 14. Seul point d’où l’Océan est en vue même s’il gronde inlassablement tout au long de la partie. En retrait des plages, les trous sont clairement séparés par de belles futaies élancées dont les hautes branches indiquent le sens et la force du vent. Montées, descentes, greens perchés, jolis dévers glissant vers les sous-bois de fougères, rien ne manque à la carte postale comme à la carte de scores sur ce site iodé à l’année. Quelques doglegs comme au 6 puis au 9 avant d’arriver au 13, un par 5 avec deux virages prononcés, demandent des mises en jeu précises vers des greens à la belle réputation. Pour les 40 ans du club, la pièce d’eau face au green du 18 a été refaite, elle a doublé de volume, on s’y noie souvent… Impossible de parler du golf de Royan sans évoquer sa table. Elle mériterait de briller au firmament des guides touristiques. Si le chef préfère ses pianos à la lumière, ses assiettes parlent pour lui, mêlant les saveurs de la mer et de la terre dans un subtil équilibre.

Cette année, le Golf de Saintes-Louis Rouyer Guillet– un nom un peu long rendant hommage à son fondateur – a fêté ses 70 ans. Conçu en deux fois, 9 trous en 1953, la suite en 1991, ce parcours est physique, particulièrement sur l’aller où les montées, les descentes et les doglegs entre les arbres s’alternent sur un rythme soutenu. Certaines approches valent la peine, à l’image de celle du 4 où l’on découvre à gauche du green les ruines d’un aqueduc gallo-romain qui alimentait la ville en eau. Ou encore l’arrivée du 12, avec le dôme de cuivre de la cathédrale Saint-Pierre à l’horizon saintais. Sur ce dessin dû à Hervé Bertrand puis à Jean-Louis Pega, le tracé fait la part belle aux pars 3, pas moins de six. Certains laissant peu de place à l’erreur comme au 8, plutôt long, ou au 11, petit mais costaud face à l’eau… Ou encore au 18 avec un hors-limites derrière le green ! Le club-house a trouvé sa place dans d’anciens chais, là où la part des anges peut encore affoler les cartes de scores… Sa terrasse est fort agréable à l’heure de la pause.

Depuis 1988, le Golf du Cognac complète la panoplie de cette commune charentaise connue dans le monde entier, pas que pour son golf… Face aux rangs de vigne tirés au cordeau sur les collines bordant le cours de la Charente, les 18 trous, œuvre de Jean Garaïalde, ont pris de la bouteille. Le champion, sans doute inspiré par les divins flacons, a dessiné un parcours convivial, dans l’esprit de ces terres de plaisir. La patine fait effet face au club-house installé dans les dépendances d’un ancien domaine viticole où il est agréable de prendre un verre après avoir foulé le tracé ! Le parcours n’est pas un monstre même si quelques arbres peuvent contrarier autant de trajectoires au virage de quelques doglegs. Sur ces terres où la « part des anges » se fond dans les brumes matinales, l’eau n’a guère sa place sur le parcours, elle n’entre en jeu sérieusement qu’à trois reprises, histoire de se rincer la bouche… ! À flanc de coteau, le retour monte en puissance comme une dégustation à l’aveugle dans les chais voisins. Sur les greens, pas d’excès de vitesse, pas de pente tortueuse, du simple, du vrai, du bon ! De quoi garder l’esprit clair pour espérer rendre une belle carte. Il sera toujours temps de l’arroser…

Bientôt septuagénaire, le Golf d’Angoulême-L’Hirondelle n’a plus grand chose à voir avec le tracé originel, imaginé sur une colline dominant les toits et les clochers de la ville, par Yves Engelhard et Sandy Bertrand en 1955. En portant le tracé à 18 trous en 2001, Georges-Alain Calmels a dû composer avec un espace limité sur ce tertre surplombant la cité augoumoisine où plusieurs trous se croisent comme les 3 et 4 puis les 8 et 18. Mais le point stratégique du parcours demeure la rampe de lancement qui réunit sur un faible espace les départs des trous 6, 12, 13 et 18 où la vigilance est de rigueur même si tout le monde, conscient des dangers, essaye d’être prudent. Au delà de ces contraintes, les vallons de l’Hirondelle bordés de bosquets sont agréables, dominés par un calvaire austère – des croix de fer du début du XXe siècle – ancré entre les greens du 11 et du 16. Les greens sont petits et bien défendus. Au club-house dont la terrasse est appréciée au-delà de l’été, le sourire est de mise depuis que le restaurant a été repris par le club. Inutile d’attendre le printemps pour rejoindre l’Hirondelle, en surplomb du plateau d’Angoulême !


Où séjourner ?

Face à l’Océan, lThalazur Royan 4*est idéalement placé pour profiter de la ville, de son architecture années 50, de ses plages, tout comme des soins au sein du Spa marin. Avec ses 83 chambres, toutes dotées d’un balcon vue mer en surplomb de la conche du Chay, l’établissement qui a revu sa déco privilégie la quiétude de ses résidents. Les carrelets à l’horizon semblent suspendus dans les brumes de mer tandis que le chef Emmanuel Blin s’affaire dans les cuisines du « Fâ », la table dominant l’Océan. La pêche du jour, les plats régionaux, les saveurs sucrées-salées, il n’est jamais à court d’idées pour satisfaire les palais les plus délicats. Au sein de l’espace Bien-être, la piscine d’eau de mer chauffée à 32° dispose de jets et bains à bulles tout comme d’un solarium. Sauna, hammam et salle de fitness sont également accessibles sans contraintes.

A Cognac, l’Hôtel Chais Monnet & Spa 5* dépasse l’exceptionnel. Depuis le milieu du XIXe siècle, ces chais où l’on entreposait les eaux-de-vie, le long de la Charente, ont fait la réputation de la ville, de la région tout comme la fortune de la famille Monnet, des bâtisseurs à l’image de Jean, le fils, qui a beaucoup œuvré à la construction de l’Europe. En 2014, Cognac décide de transformer ces ouvrages industriels désaffectés en complexe hôtelier. La mission est confiée à Didier Poignant, auteur de la rénovation du Royal Monceau à Paris. Il pérennise la « Cathédrale » un foudre de 260 hectolitres, ajoute du verre, de l’acier sensé symboliser les ceps de vigne sur les façades, dégage les perspectives et les volumes, combine à la perfection design et patrimoine. Avec 92 suites, 12 appartements, une table étoilée « Les Foudres », une brasserie « La Distillerie », un jazz bar « le 1838 » – année de création du chais -, un rooftop et un lounge bar « L’Angélique », on s’approche du paradis. Sans compter l’espace Bien-être avec piscine, hammam, sauna, jacuzzi et salle de fitness… au cas où les agapes auraient eu une incidence pondérale !


Tourisme en Charente

Vue du ciel, la forêt de la Coubre, hôte du golf de Royan, se mêle au bassin ostréicole de Marennes, au nord-ouest de La Tremblade. Là où, au gré des marées, la Seudre, petit fleuve charentais, remplit de ses eaux saumâtres les claires riches en limons où les huîtres s’épanouissent. Le long de la Côte de Beauté, face aux plages de sable fin, quelques belles villas Belle Époque ont survécu aux bombardements de la Seconde guerre mondiale mais aujourd’hui la plupart des maisons de Royan affichent le style minimaliste inspiré par le Bauhaus ou par Le Corbusier.

Construites dans les années 50, colorées, lumineuses, généreuses, elles représentent l’insouciance des « Trente glorieuses ». Soixante-dix ans plus tard, ces maisons, ces immeubles, ces quartiers sont protégés, visités, photographiés comme Notre-Dame de Royan, l’église surnommée « Notre-Dame du béton » – on comprend pourquoi ! – ou encore la halle centrale et son toit de béton symbolisant un énorme coquillage. Royan est devenu un musée vivant du style architectural du milieu du XXe siècle, face à l’Océan. Ses plages comme celle de la Grande Conche avec ses tentes de toile bleu et blanc, celle de Pontaillac, spot des surfeurs, celles de Foncillon ou du Pigeonnier plus discrètes, ont toutes les chances de vous séduire. Tout comme les fruits de mer qui ravissent les étals des écaillers comme ceux des meilleures tables, le long de la côte de Beauté.


Gastronomie

Cognac, deux syllabes qui claquent sous la langue, qui s’entendent sur les cinq continents, qu’on soit à jeun ou pas… Mais que cache cette eau-de-vie de vin ? Définie par des terroirs liés au sol et au climat, l’appellation cognac s’étend essentiellement autour de la ville éponyme, en Charente mais aussi sur toute la Charente-Maritime, et quelques hectares en Dordogne et dans les Deux-Sèvres. Le vignoble recouvre plus de 83 000 hectares – 10% du vignoble français – répartis en six crus, essentiellement sur un cépage d’ugni blanc mais on vendange aussi du colombard, de la folle-blanche et quelques grappes de folignan, de montils et de sémillon permettant des assemblages dont chaque maison de négoce garde le secret.


La subtilité et la richesse de cet alcool proviennent de la double distillation du raisin avant que le passage en fûts de chêne ne lui donne sa couleur ambrée si reconnaissable. Deux ans et demi de vieillissement minimum sont nécessaires pour pouvoir bénéficier de l’appellation cognac. Durant ce temps, l’alcool évolue, s’évapore pour une partie appelée la « part des anges », l’ivresse semble leur être autorisée… Avant la mise en bouteilles où l’alcool ne vieillira plus, les assemblages se font dans des foudres – immenses tonneaux – au gré du talent du maître de chais. Rares sont les bouteilles millésimées, les mélanges se faisant le plus souvent sur plusieurs années. Un « dix ans d’âge » signifie que les vins les plus jeunes ont vieilli dix ans en fût, cela ne peut pas être le contraire.

Si l’on trouvait des vignes en Saintonge au temps des Romains, c’est au XVIIIe siècle que l’élaboration du cognac prend de l’ampleur dans la région. Le commerce maritime avec l’Angleterre et ses colonies y est pour une bonne part, pas celle des anges cette fois, plutôt celle de riches commerçants – souvent venus des îles britanniques – qui ont su faire prospérer leurs maisons de négoce sur les quais de la Charente. Des noms aussi connus que Martell, Hine, Hennessy, Delamain ornent toujours les frontons des hôtels particuliers des beaux quartiers de Cognac à Jarnac.

Aujourd’hui, 97,2% de la production de cognac est exportée et consommée dans 150 pays, pour environ 215 millions de bouteilles et un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros annuels répartis sur 265 maisons de négoce faisant vivre 60 000 personnes dont près de 5 000 viticulteurs. Des chiffres qui donnent le tournis avant même d’avoir levé son verre. A vot’ santé !

Fûts et foudres dans un chai de cognac – ©Sébastien LAVAL ; Charentes Tourisme
Fûts et foudres dans un chai de cognac – ©Sébastien LAVAL ; Charentes Tourisme
Amphithéâtre gallo-romain de Saintes – ©Elsa COEFFE / CMT ; Charentes Tourisme
Amphithéâtre gallo-romain de Saintes – ©Elsa COEFFE / CMT ; Charentes Tourisme


Patrimoine

La ville de Saintes a vu le jour à l’époque gallo-romaine, les ruines d’un aqueduc en bordure du golf en témoignent toujours, deux mille ans plus tard. Mediolanum Santonum est alors la capitale de la province romaine d’Aquitaine. L’arc de Germanicus construit sous le principat de Tibère est toujours debout, il a été sauvé de la démolition au XIXe siècle grâce à l’intervention de Prosper Mérimée. L’amphithéâtre édifié au début du règne de l’empereur Claude est très bien conservé, même si ses structures élevés ont disparu, on visualise très bien son volume, 126 mètres sur 102, gigantesque. Les thermes de Sainte-Saloine datant de la fin du 1er siècle ont souffert, seuls quelques murs du caldarium – les bains chauds – ont survécu. La place des Récollets conserve quelques vestiges d’un rempart antique protégeant la cité des invasions au IIIe siècle.


Au Moyen Âge, la ville a connu un bel essor, les quais de Charente se prêtant aisément au commerce. En 1539, Bernard Palissy s’établit à Saintes où il travaille sur la cuisson de l’émail qu’il mettra cinq ans à maîtriser. Converti au protestantisme, il séjournera à la prison de Saintes avant de finir sa vie à la Bastille vers 1590. Une statue lui rend hommage sur la place Bassompierre. Elle le représente méditant, la main posé sur un de ses fameux plats de céramique animalière.

Construit au début du XVIIe siècle pour Louis de Pernes, le logis du gouverneur est parvenu quasiment intact jusqu’à nous, il est passé au travers des destructions arbitraires de la Révolution. Le centre ville est dominé par la silhouette massive de la cathédrale Saint-Pierre, place du Synode, dont le clocher coiffé d’un dôme en cuivre culmine à 58 mètres. Il est clairement en vue depuis le green du 12 du golf. Aux abords de la ville, les villages médiévaux de Taillebourg, Port-d’Envaux et Saint-Savinien méritent aussi le détour, ils sont accessibles par une vedette fluviale sur la Charente.


Événement en Charente

Cinquante ans que les bulles font le bonheur d’Angoulême ! Comme souvent, à l’images des planches illustrées qui font sa notoriété, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême est né un peu par hasard. En 1972, une exposition « Dix millions d’images » rassemble des passionnés de BD dans la cité charentaise.

Deux ans plus tard, des auteurs à la réputation déjà faite tels que Franquin ou Gotlib répondent présent à l’appel municipal. Dès lors l’engouement pour le 9e art ne cessera de croître jusqu’à devenir la référence mondiale que l’on connaît chaque mois de janvier. A l’instar de Cannes, le Grand Prix du jury récompense chaque année un auteur d’un « Fauve d’or », la palme angoumoisine. Une dizaine d’autres prix sont décernés par le jury. En 1977, Hergé acceptait de présider le festival. En 1984, Jack Lang annonçait la création du centre national de la bande dessinée et de l’image dans la ville. L’année suivante, François Mitterrand était de la fête des bulles. Au-delà des palmarès, des expositions majeures mettant en avant le travail des auteurs sont organisées dans différents espaces de la ville, la foule s’y précipite chaque année. En 2022, le FIBD a rassemblé 1500 auteurs et près de 300 000 visiteurs sur 4 jours. Face à cette profusion d’artistes, le choix de l’auteur de l’affiche pourrait être cornélien, elle a souvent été dessiné par le « Fauve d’or » de l’an passé. Hugo Pratt en 1974, Moebius en 1982, celle de Crumb en 2000 fut censurée pour son aspect subversif… Depuis 2012, le trait numérique a pris le dessus sur la plume, on ne va pas à contre courant le long de la Charente !

Festival de la bande dessinée Angoulême – ©Frédérique BRUNEAU / CT ; Charentes Tourisme
Festival de la bande dessinée Angoulême – ©Frédérique BRUNEAU / CT ; Charentes Tourisme



Par Claude Granveaud Vallat

Crédit photo entête : Pêcherie et village de Mosnac-Saint-Simeux sur le fleuve Charente – © Jean-Claude BRUNET ; Charentes Tourisme

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